Depuis 2016, six «aviseurs» ont été rémunérés pour leurs informations fournies à l’administration fiscale. Ils peuvent désormais prétendre à une rémunération pouvant monter jusqu’à 15 % des sommes recouvrées grâce à leur signalement.
C’est un avis très informé de la députée socialiste Christine Pirès Beaune, dans un rapport parlementaire publié fin 2021, qui dresse le bilan de la loi de décembre 2016 étendant au fisc la possibilité de rémunérer des informateurs, à l’instar des douanes (1). Elle assure que «le dispositif des aviseurs fiscaux dispose aujourd’hui d’une plus grande acceptabilité sociale, alors qu’une partie de la presse et certains milieux professionnels évoquaient avec sévérité une “délation rémunérée”, qualifiant d’‘indics ces aviseurs». Il intervient dans la foulée de fuites massives : Luxembourg Leaks, Swiss Leaks et autres Panama Papers.
«Rendement avantageux»
A l’époque, le gouvernement redoute alors des règlements de comptes. Et souhaite «éviter qu’en cas de conflit dans un quartier ou une famille, l’administration reçoive des dénonciations de la part de personnes qui veulent nuire à leur voisin». C’est la raison pour laquelle leur éventuelle rémunération ne visait à l’origine que les cas de fraude fiscale internationale supérieure à 100 000 euros. Mais elle sera élargie deux ans plus tard à la TVA, soit près de 80 % des litiges fiscaux.
Bilan des courses ? Six aviseurs fiscaux ont pu être rémunérés.Et «le montant des droits et pénalités recouvrés s’établit à 110 millions d’euros, tandis que les indemnités versées aux aviseurs n’ont représenté qu’un coût global de 1,83 million, souligne Christine Pirès Beaune. Le rendement budgétaire du dispositif est donc très avantageux pour les finances publiques». Les montants ne sont guère colossaux à ce jour. Mais le rythme s’accélère, avec quelque soixante-dix signalements l’an dernier, portant leur total à 237 (2).
«Rôle formateur»
Le barème de leur rémunération se fait à la discrétion du fisc, selon la qualité ou la pertinence des informations reçues. Au départ, le ministère des Finances avait plafonné à un million d’euros le montant maximum possible, avant qu’une récente circulaire ministérielle permette de le porter jusqu’à 15 % des sommes finalement récoltées – aux Etats-Unis, cela peut aller jusqu’à 30 %. Mais le tout reste quand même, note la députée socialiste, «laissé à la discrétion de l’administration fiscale, afin de garder une certaine souplesse». Qui peut toutefois aller jusqu’à l’obstruction, comme c’est le cas de Stéphanie Gibaud, la lanceuse d’alerte à l’origine du scandale de la banque suisse UBS.
Toutefois, Christine Pirès Beaune tient à souligner que l’apport des aviseurs fiscaux ne serait pas que quantitatif : «Ils jouent également un rôle formateur à l’égard du fisc dans la mesure où ils portent à sa connaissance de nouvelles techniques frauduleuses particulièrement sophistiquées. Face à la complexité de la grande fraude fiscale, leur apport dépasse largement le seul renseignement qu’ils apportent sur le manquement d’un particulier ou d’une entreprise.» Avec parfois quelques revers de la médaille. Des agents du fisc se sont ainsi plaints de harcèlement, voire de menaces de mort, de la part de certains présumés «aviseurs». Pas forcément soucieux de l’intérêt général, seulement mécontents de ne pas avoir été rétribués en retour à leur juste valeur.
(1) Adoptée à l’époque à titre expérimental pour une durée de deux ans, elle a ensuite été pérennisée suite à un amendement du secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel.
(2) Sur ces 237 signalements, 121 ont été classés sans suite par le fisc, 97 enquêtes sont toujours en cours, 16 autres ont déjà abouti à un contrôle fiscal approfondi.