Communiqué sur la décharge de solidarité fiscale entre époux

La loi du 31 mai 2024 « visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille » vient de
fêter son premier anniversaire et l’administration fiscale se félicite dans un communiqué de
presse récent des avancées du nouveau dispositif adopté il y un an sous l’impulsion décisive du
collectif « Femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale ».

En première analyse, nous rejoignons également le constat positif qui a été fait et qui a permis à
de nombreuses femmes (et parfois des hommes) d’obtenir des décharges de responsabilité
solidaire qu’elles n’auraient pas pu obtenir par le passé. Il s’agit notamment des contribuables
ayant des dettes représentant quelques milliers ou dizaines de milliers d’euros pour lesquelles

le critère de la « disproportion marquée » posait problème auparavant.

Néanmoins, le nouveau dispositif est loin d’être parfait et nous constatons les écueils suivants
qui nous incitent à ne pas nous satisfaire de la situation actuelle et à poursuivre le combat afin
d’abroger une bonne fois pour toute la solidarité fiscale entre époux.

Trop de femmes restent exclues du dispositif

En premier lieu, nous regrettons qu’il faille toujours être séparés pour être éligible à une
décharge. De nombreuses femmes sont dans l’incapacité de divorcer (emprise physique ou
psychologique, raisons religieuses, etc.) et ne peuvent donc pas déposer de demande de
désolidarisation.

Il en va de même des veuves qui ne sont pas reconnues comme « séparées » au sens de la loi et
qui restent totalement exclues du dispositif de décharge sans que cela ne caractérise une rupture
d’égalité devant la loi depuis une décision ubuesque du Conseil Constitutionnel datant de

Ces dernières sont donc prisonnières à vie des dettes de leur mariage sans aucune porte
de sortie, position que nous continuons à combattre devant les tribunaux.

Tout cela n’a aucun sens et il faut permettre à toutes les femmes étrangères à la dette fiscale du
couple de ne pas avoir à payer pour les manquements de leurs conjoints, cela d’autant plus
lorsque le régime matrimonial choisi est celui de la séparation de biens.

Des procédures de recouvrement trop brutales

Il est par ailleurs absolument nécessaire de réformer les procédures de recouvrement pour faire
en sorte que les ex-conjoints qui déposent des demandes de décharge soient épargnés par les
poursuites le temps que leurs dossiers soient instruits. Les délais d’instruction sont en effet trop
long (souvent plusieurs mois) et il n’est pas rare que les services de recouvrement de
l’administration exercent très rapidement des saisies sur les comptes bancaires des
contribuables concernés et/ou auprès de leur employeur.

Ces pratiques sont choquantes puisque, dans la plupart des cas, l’administration fiscale sait (ou
est en mesure de savoir) que le demandeur est totalement étranger à la dette fiscale et qu’il est
susceptible d’en obtenir la décharge : c’est donc en pleine conscience que l’administration met
ces victimes en grande difficulté financière et n’hésite pas à saisir en un instant de raison les
économies d’une vie et la quasi-intégralité de leurs revenus sans se soucier des conséquences
que cela entraînera : blocage des comptes, impossibilité de rembourser un crédit ou de payer
son loyer, difficulté à subvenir aux besoins vitaux des enfants, etc.

Ces pratiques sont humiliantes car elles ont pour conséquence de mettre au courant l’employeur
et le banquier du contribuable de l’existence de dettes exorbitantes et à forcer ce dernier à
s’expliquer auprès d’eux sur une situation qui le dépasse ; il n’est d’ailleurs pas rare qu’une
femme découvre l’existence de sa dette par l’effet d’une saisie bancaire ou d’une saisie
employeur, ce qui est particulièrement traumatisant.

Ces pratiques vont enfin à contre-sens de la réforme souhaitée puisque seules les sommes
saisies depuis la séparation peuvent faire l’objet d’une restitution en cas de
désolidarisation. Ainsi, le dispositif est totalement privé d’effets lorsque une femme découvre le
redressement alors qu’elle est encore mariée et que l’administration lui saisit l’intégralité de ses
économies avant même qu’elle ait pu divorcer. Plusieurs contribuables voient en effet leurs
demandes rejetées d’office au motif que la dette est éteinte au jour de leur demande (en raison
de la saisie antérieure et immédiate de leurs économies) ou qu’il n’est pas possible de restituer
des sommes saisies avant la séparation.

On est alors très loin de l’inhumanité et de l’injustice auxquelles le Ministre M. Thomas Cazenave
entendait mettre fin dans sa déclaration du 23 mai 2024 et pour qui la solidarité fiscale ne devait
plus être un « fardeau pour les femmes ».

Pour une suppression pure et simple de la solidarité fiscale

Ainsi, malgré des avancées non négligeables, la procédure pour obtenir une « décharge » reste
bien trop longue et constitue un véritable traumatisme pour celles et ceux qui y sont confrontés,
voir un mirage pour d’autres. Il n’y a aucune raison légitime pour que les femmes payent pour les
manquements déclaratifs et les redressements fiscaux de leurs conjoints, encore moins pour
leurs ex-conjoints.

La solidarité fiscale continue selon nous d’apparaître comme un dangereux archaïsme qu’il
vaudrait mieux supprimer. L’administration fiscale s’y refuse car elle y voit un moyen de recouvrer
l’impôt, mais nombreux sont les États qui s’en sortent très bien sans cette solidarité et où chacun
est responsable de ses propres déclarations, d’autant que ce n’est pas cela qui sauvera les
finances publiques, loin de là. À l’inverse, il apparaît évident que ce dispositif détruit chaque
année la santé et la vie de centaines de femmes (et d’hommes). Il nous semble que ce point de
vue devrait l’emporter.

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