Les résidents fiscaux étrangers sont soumis à l’impôt sur le revenu à raison de leurs revenus de source française uniquement. Mais le montant de l’impôt qu’ils acquittent annuellement est déterminé en application de règles particulières, différentes de celles applicables aux résidents fiscaux français.
Cet article est l’occasion de passer en revue certaines de ces règles qui sont généralement défavorables aux résidents fiscaux étrangers. Il faut espérer que de futures réformes viennent assouplir ces règles mais le contexte de crise actuelle risque bien au contraire d’alourdir encore un peu plus la fiscalité qui pèse sur ces derniers.
L’imposition des revenus : un régime dérogatoire très pénalisant et mal compris
Pour rappel, l’impôt sur le revenu des personnes physiques résulte d’un barème progressif avec plusieurs tranches : 0%, 14% (qui vient de passer à 11%), 30%, 41% et 45%.
Ce barème s’applique à tous les contribuables. Tous, à l’exception des contribuables qui résident fiscalement à l’étranger et pour qui l’impôt mis à leur charge à raison de leurs revenus de source française ne peut être inférieur à 20% de leurs revenus et même, depuis l’imposition des revenus 2018, 30% pour la fraction de leurs revenus qui excède 27.794€.
Si l’on prend l’exemple d’un contribuable célibataire et sans enfants qui aurait perçu 30.000€ de revenus fonciers en 2019, son imposition (hors prélèvements sociaux sur lesquels nous revenons ci-après) est d’environ 3.200€ s’il réside fiscalement en France contre 6.250€ s’il réside hors de France. Soit un surcoût de près de 100% entre un contribuable français et un contribuable étranger.
Il est néanmoins possible de faire échec à ces taux d’imposition minimum. Si le résident étranger peut prouver à l’administration fiscale française que le taux d’imposition moyen résultant du barème qui s’appliquerait à lui s’il déclarait l’intégralité de ses revenus « mondiaux » (revenus de source français et de source étrangère) en France serait inférieur à ces taux de 20% et 30%, c’est ce taux moyen qui viendra à s’appliquer. Mais en pratique, les résidents fiscaux étrangers ignorent cette possibilité ou ont des difficultés pratiques à apporter cette preuve. Ils se voient donc imposés à des taux compris entre 20% et 30% alors qu’ils devraient être imposés à des taux bien plus faibles voire, dans certains cas, être non imposables (cas des contribuables qui ont moins de 10.000€ ou 20.000€ – selon la situation matrimoniale – de revenus mondiaux) …
Les contribuables concernés ne doivent donc pas hésiter à se manifester par voie de réclamation contentieuse auprès de la direction des impôts des non-résidents (DINR) dans le délai légal de reprise pour obtenir le dégrèvement de l’imposition acquittée à tort par le passé, l’année 2020 pouvant permettre de contester l’impôt sur le revenu dû au titre des années 2017, 2018 et 2019.
Les prélèvements sociaux : un épilogue insatisfaisant
Sans revenir en détail sur l’incroyable saga judiciaire et législative concernant les prélèvements sociaux acquittés par les non-résidents à raison de leurs revenus fonciers et de leurs plus-values immobilières de source française, la situation peut aujourd’hui être résumée ainsi : s’il n’est pas affilié à la Sécurité sociale française, un résident de l’Espace économique européen ou de la Suisse doit acquitter un « prélèvement de solidarité » de 7,5% tandis qu’un résident d’un Etat tiers à l’Europe doit acquitter des prélèvements sociaux au taux de 17,2% ! Un taux identique à celui qui s’applique aux résidents fiscaux français alors même que les résidents fiscaux étrangers ne bénéficient pas de le Sécurité sociale française…
Cette différence de traitement entre les résidents français et européens et les résidents d’Etats tiers à l’Europe, difficilement compréhensible par les seconds, a été confirmée par la CJUE dans une décision du 18 janvier 2018 (aff. 45/17 Frédéric Jahin). Dans cette décision, la CJUE a confirmé que constituait bien une restriction à la liberté de circulation des capitaux le fait de soumettre aux prélèvements sociaux sur les revenus du capital de source française une personne affiliée à un régime de sécurité sociale d’un Etat tiers mais que cette restriction était toutefois justifiée par une « différence de situation objective » : les résidents concernés ne peuvent, à la différence des résidents européens, se prévaloir du principe d’unicité prévu par le règlement européen en matière de Sécurité sociale.
Malgré quelques contentieux encore en cours en lien avec l’ancienne législation, la messe semble donc dite pour les résidents fiscaux étrangers qui ne peuvent que constater la hausse de l’imposition afférente à leur immobilier français. Même les résidents européens qui ont en apparence bénéficié d’une baisse des prélèvements « sociaux » (7,5% vs 17,2%) peuvent dans certain cas être pénalisés par la nouvelle tranche d’impôt sur le revenu à 30% destinée à compenser cette baisse. Alors qu’ils acquittaient auparavant un impôt de 37,2% (20% + 17,2%), ils sont désormais imposés à un taux pouvant atteindre 37,5% (30% + 7,5%) si leurs revenus de source française sont supérieurs à 27.794€. Et que dire des résidents fiscaux d’Etats tiers à l’Europe qui n’ont pas bénéficié de la baisse des prélèvements sociaux et pour qui le taux d’imposition peut désormais atteindre 47,20% …
Ces taux d’imposition sont extrêmement élevés et il est donc primordial pour les contribuables concernés de solliciter dans le cadre de la déclaration de revenus ou, comme indiqué ci-dessus, par voie de réclamation contentieuse, l’application à leurs revenus français du taux moyen d’imposition en lieu et place des taux d’imposition minimum de 20 et 30%.
Le prélèvement à la source (PAS) : l’avance à taux 0%
Les complications ne s’arrêtent pas là pour les résidents fiscaux étrangers car, pour ceux qui viennent travailler en France et qui ne sont pas encore connus de l’administration fiscale, l’employeur est contraint de leur appliquer un taux de PAS « neutre » bien plus élevé que celui auquel ils pourraient prétendre autrement.
En effet, ce taux neutre tient compte du seul salaire perçu par le contribuable sans considération pour la situation familiale personnelle et les charges de ce dernier. Un étranger marié avec un enfant venant exercer un emploi rémunéré 50.000€ net annuel se verra ainsi appliquer un taux de PAS de 15,8% alors qu’il pourrait prétendre à un taux de PAS de… 5,2%. C’est une énorme avance de trésorerie (non rémunérée) faite à l’Etat qui peut durer jusqu’à 21 mois, le temps que ce contribuable ait déclaré ses revenus l’année suivante et reçu l’avis d’imposition correspondant.
Il est là encore possible de faire échec à ce traitement défavorable en souscrivant dès son arrivée en France – voire même avant – un formulaire n°2043 permettant de déposer en avance sa déclaration de revenus et ainsi obtenir un numéro fiscal et un taux de PAS « personnalisé » (démarche qui peut tout de même prendre jusqu’à trois mois). Mais encore faut-il connaitre l’existence de cette procédure, information quasiment introuvable sur le site www.impots.gouv.fr qui n’existe d’ailleurs que partiellement en anglais.
Charges et crédits d’impôt : l’inégalité perpétuelle
Autre inégalité de traitement, sauf à répondre à la qualification de « non-résident Schumacker », les résidents fiscaux étrangers ne peuvent déduire de leurs revenus imposables en France aucune charge et ne sont pas éligibles aux crédits d’impôt : dons, souscriptions au capital de PME, etc.
La Cour administrative de Versailles a néanmoins récemment admis (CAA Versailles 31-5-2018 n° 17VE00744) pour un résident fiscal canadien le bénéfice du crédit d’impôt pour investissement « Scellier » sur le fondement d’une atteinte injustifiée à la liberté de circulation des capitaux. Cette décision ouvre de nouveaux espoirs de remboursements pour les résidents fiscaux étrangers et en particulier ceux qui auraient investi dans des dispositifs d’investissements locatifs similaires (Pinel, Duflot, Censi-Bouvard, etc.).
Autre « petite » avancée, depuis le 1er janvier 2018, il est possible, sous conditions, de prendre en compte les pensions alimentaires versées par les résidents fiscaux étrangers mais cette déduction est en réalité uniquement prise en compte pour calculer le taux moyen applicable aux revenus de source française perçus par le résident étranger sans que la pension alimentaire ne puisse effectivement être déduite de ses revenus…
Quel avenir (fiscal) pour les résidents fiscaux étrangers ?
Il faut ajouter à cela d’autres différences de traitement perçues, souvent à raison, comme des injustices par les résidents fiscaux étrangers : l’obligation en cas de résidence hors de l’Union Européenne de désigner (et rémunérer – généralement entre 0,5 et 1,5% du prix de cession) un représentant fiscal accrédité en cas de cession d’un bien immobilier en France, l’impossibilité pour les non-résidents d’être imposés au barème de l’impôt sur le revenu ou de bénéficier de l’abattement de 4.600€ ou 9.200€ en cas de rachat d’assurance-vie, etc.
On pouvait donc se réjouir que le Premier ministre Edouard Philippe ait commandé à la députée Anne Genetet un rapport sur la mobilité internationale des français qui inclut évidemment ces questions fiscales, et espérer qu’il en ressortirait des avancées positives pour ces derniers (la prise en compte des pensions alimentaires pour le calcul du taux moyen ou la possibilité de bénéficier de l’exonération liée à la cession de sa résidence en principale en cas de cession moins d’un an après son départ hors de France en sont des illustrations). Mais dans l’ensemble, la réforme de la fiscalité des non-résidents – dont l’entrée en vigueur a été décalée – part dans le mauvais sens puisqu’elle se traduit par une hausse significative de la fiscalité de ceux qui sont assujettis à une retenue à la source sur leurs salaires et pensions de retraite. Ce régime, assez complexe mais qui était généralement favorable aux résidents fiscaux étrangers (la retenue à la source, dont une fraction est libératoire de l’impôt sur le revenu, est généralement plus favorable que le barème progressif de l’impôt sur le revenu), devrait disparaître progressivement à compter du 1er janvier 2021 et se traduire par une nouvelle hausse de la fiscalité des contribuables concernés.
Le gouvernement est censé remettre au Parlement avant le 1er juin 2020 un rapport relatif à la fiscalité des revenus de source française des résidents fiscaux étrangers. Attendons de voir ce qu’il en ressort mais il faut craindre que, compte tenu de la crise actuelle, l’Etat ait besoin de nouvelles recettes pour compenser les milliards dépensés pour essayer de sauver l’économie française.
Les non-résidents risquent une nouvelle fois de ne pas sortir gagnants des futures réformes les concernant. Peut-être est-ce le début d’un nouveau mouvement de « pigeons » à l’image de celui créé par les entrepreneurs en 2013 lorsque le gouvernement avait fortement augmenté la fiscalité sur le capital…