PSG / LENS : le véritable match face à l’administration fiscale

Il est encore trop tôt pour savoir si les deux clubs vont connaître des destins similaires en coupe d’Europe mais, sur le plan de la fiscalité, il est certain que les joueurs parisiens ont pris l’ascendant sur leurs homologues lensois face à l’administration fiscale.

En effet, le PSG et le Racing Club de Lens peuvent utiliser les mêmes avantages fiscaux pour attirer les joueurs qui évoluent à l’étranger. Parmi ces avantages figure notamment l’exonération pendant cinq années des biens immobiliers étrangers pour le calcul de l’impôt sur la fortune immobilière et le fameux « régime des impatriés » que les joueurs des deux clubs ont utilisé avec des fortunes diverses.

Pour rappel, ce régime permet d’exonérer d’impôt sur le revenu pendant 8 années la « prime d’impatriation » versée à des salariés et certains dirigeants qui viennent travailler en France alors qu’ils résidaient fiscalement à l’étranger. Cerise sur le gâteau, le régime permet également d’exonérer la rémunération afférente aux jours passés à l’étranger pour le compte de l’employeur (les déplacements pour des matchs de ligue des champions ou des tournées d’été par exemple) et 50% des revenus passifs de source étrangère (dividendes, plus-values mobilières, droits d’auteur, etc.).

Pour citer des exemples plus ou moins récents, Neymar, Ibrahimovic et évidemment Messi ont bien sûr tous bénéficié de ce dispositif avantageux. Mais l’examen de la jurisprudence récente démontre que des joueurs moins côtés également : ces derniers ont été ciblés par l’administration fiscale qui a cherché à remettre en cause leurs avantages fiscaux, permettant ainsi d’affiner la grille de lecture de ce dispositif.

1. Le PSG proche du hat-trick face à l’administration fiscale

Le premier à se mettre en évidence fut Claude Makélélé, passé au PSG de 2008 à 2011 après 10 années à jouer pour des clubs étrangers, notamment à Chelsea et au Real Madrid. A l’occasion d’un arrêt du 16 mars 2021 rendu par la cour administrative d’appel de Paris, on apprenait que l’administration fiscale l’avait contrôlé en 2012 et avait cherché à remettre en cause son éligibilité au régime des impatriés au motif qu’il ne démontrait pas que son salaire imposable, net de sa prime d’impatriation, restait supérieur à la « rémunération de référence » applicable au sein du PSG pour des « fonctions analogues » aux siennes, condition nécessaire pour que l’exonération de la prime d’impatriation soit effectivement applicable.

Le PSG avait alors soutenu le joueur en produisant une attestation démontrant que la rémunération moyenne de 7 joueurs évoluant au cours des mêmes saisons aux postes de défenseurs ou milieux de terrain était effectivement inférieure à la rémunération imposable de Claude Makélélé (environ 800.000€ d’écart). L’administration fiscale soutenait pour sa part que la rémunération des joueurs en question n’était pas comparable car ces derniers n’avaient pas la même notoriété et la même expérience que Claude Makélélé, ce qui impactait nécessairement leur pertinence. Elle soutenait également que la rémunération des défenseurs devait être exclue car ils ne jouaient pas au même poste que Claude Makélélé et que celle de Ludovic Giuly – d’une notoriété comparable – devait au contraire être intégrée dans le calcul car celui-ci était milieu de terrain comme Claude Makélélé.

Tactique perdante pour l’administration fiscale… car si la CAA de Paris reconnaissait que les défenseurs (comme les attaquants) n’avaient pas des fonctions « analogues » à celles de Claude Makélélé et devaient donc effectivement être « exclus » pour ce travail de comparaison, elle affirmait en revanche que la notoriété et l’expérience n’étaient pas des critères prévus par la loi qui cherchait uniquement à comparer des « fonctions analogues » et non les caractéristiques propres aux individus exerçant ces fonctions. Quant à Ludovic Giuly, le club l’utilisait au cours des années en litige comme un attaquant et le présentait d’ailleurs comme tel sur son site internet, ce qui devait conduire pour les mêmes raisons, selon les magistrats, à exclure sa rémunération du calcul. Sans pourvoi en cassation de l’administration fiscale, Claude Makélélé remportait ainsi une importante victoire face à l’administration fiscale.

Il faut néanmoins relever que cette position favorable à Claude Makélélé à une époque où les stars étaient peu nombreuses au PSG doit probablement desservir le club actuellement pour faire venir des recrues étrangères au poste d’attaquant. En effet, avec une rémunération annuelle aussi importante que celle de Mbappé (a priori 56M€ nets environ), il est certain que la « rémunération de référence » à retenir pour les nouveaux attaquants en prévenance de l’étranger (Ramos, Dembelé, etc.) et leur faire bénéficier de la prime d’impatriation s’en trouve complexifiée, quand bien même des joueurs moins cotés – tels qu’Hugo Ekitike ou Barcola – seraient retenus dans la moyenne. Le PSG a donc a priori recours aux quelques tolérances prévues par la doctrine administrative pour continuer à attirer les pépites étrangères : l’administration fiscale admet par exemple pour déterminer la « rémunération de référence » de se référer à la « plus faible » des rémunérations perçues par les joueurs ayant une expérience comparable à celle de l’impatrié et exerçant des fonctions analogues au sein du club ou d’un club similaire français, au cours de l’année considérée ou des trois années précédentes.

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Plus récemment, le Conseil d’Etat se prononçait le 4 octobre 2023 sur les éléments de rémunération pouvant effectivement bénéficier de l’exonération liée au régime des impatriés dans une affaire ayant concerné Mohamed Sissoko qui a lui évolué au PSG entre 2011 et 2013 après avoir passé toute sa carrière professionnelle à l’étranger (Valence, Liverpool, Juventus de Turin). Ici, l’éligibilité du joueur au régime d’impatriation n’était pas remise en cause par l’administration fiscale mais celle-ci cherchait en revanche à contester le fait que Mohamed Sissoko ait appliqué l’exonération à la prime de résiliation anticipée de son contrat qui courait initialement jusqu’en 2014 (2,3M€) et non pas uniquement à ses salaires.

Néanmoins, Mohamed Sissoko avait opté, comme le texte le lui permettait, pour que sa prime d’impatriation soit évaluée chaque année à 30% de sa « rémunération imposable ». Se fondant sur une lecture littérale des dispositions de l’article 80 duodecies du CGI selon lequel toute indemnité versée à l’occasion de la rupture du contrat de travail constitue une « rémunération imposable », le Conseil d’Etat en concluait que la prime en litige devait bien – elle aussi – être considérée comme un élément de la rémunération du joueur et ainsi bénéficier de l’exonération.

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Moins adroit mais toujours aussi souriant, Ezéquiel Lavezzi, parisien entre 2012 et 2016 après son passage à Naples et avant de repartir jouer en Chine pour le Hebei China Fortune Football Club, a vu son contentieux avec l’administration fiscale se terminer moins favorablement, comme en témoigne un jugement du TA de Paris en date du 15 mars 2023.

Il ressort de ce jugement qu’Ezequiel Lavezzi s’est notamment vu remettre en cause des crédits d’impôts en lien avec des revenus de source italienne, argentine et brésilienne perçus après son arrivée en France et le bénéfice de l’exonération de sa prime d’impatriation pour les revenus imposables en 2016 après son départ du PSG en application d’un mécanisme de lissage spécifique aux sportifs (articles 84 A et 100 bis du CGI). En effet, le régime d’impatriation est réservé aux résidents fiscaux français uniquement : dès lors que le joueur avait quitté la France le 10 février 2016 pour partir jouer en Chine, les magistrats ont suivi le raisonnement de l’administration fiscale qui consistait à n’appliquer l’exonération en 2016 qu’à hauteur du nombre de jours où Ezéquiel Lavezzi avait été résident fiscal français au cours de cette année (39 en l’occurrence), quand bien même les revenus en cause avaient été perçus au cours d’années où le joueur résidait fiscalement en France. Ce point méritera d’être confirmé…

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Ces différentes décisions démontrent que le régime des impatriés est plus complexe qu’il n’y parait et que l’administration fiscale vérifie fréquemment que les conditions pour en bénéficier sont bien réunies ou que le régime n’est pas appliqué au-delà de ce que le texte prévoit.

Il n’en demeure pas moins que ce régime est très attractif et il est important de rappeler – comme les décisions ci-dessus en témoignent – qu’il s’applique tout autant aux citoyens français qu’aux citoyens étrangers qui viennent (ou qui reviennent) travailler en France. En effet, le critère d’éligibilité n’est pas d’être étranger mais bien d’avoir résidé fiscalement à l’étranger pendant 5 années avant de (re)venir travailler en France. Ainsi, s’il prenait un jour à Mbappé l’envie de finir sa carrière au PSG ou à l’AS Bondy, celui-ci pourrait tout à fait bénéficier du régime des impatriés, à la condition d’avoir joué à l’étranger (à Madrid par exemple) pendant au moins 5 années civile et d’être en mesure de prouver que sa rémunération est supérieure au « salaire de référence » dans son club. Ce qu’il ne devrait pas avoir trop de mal à démontrer.

Le régime peut par ailleurs continuer à s’appliquer en cas de changement de fonctions au sein de la même entreprise. Il est donc probable que Claude Makékélé, devenu entraineur adjoint du PSG en 2011 après avoir pris sa retraite sportive, ait continué à bénéficier d’une exonération de sa prime d’impatriation, sous réserve d’avoir été en mesure de démontrer que son salaire net imposable d’entraineur adjoint était au moins égal à la « rémunération de référence » pour son nouveau poste.

2. Le RC Lens lourdement battu par l’administration fiscale

Les joueurs du RC Lens ont passé moins de temps que ceux du PSG dans les tribunaux ces dernières années, en tout cas pour ce qui concerne le régime des impatriés (on ne revient pas ici sur l’affaire dans laquelle Tony Vairelles a été condamné en 2023 pour violences en réunion avec préméditation et avec arme ni sur celle dans laquelle Zakaria Diallo a été jugé pour abus de confiance et rébellion).

Une seule décision semble ressortir les concernant en matière d’impatriation : elle concerne Nenad Kovačević, le joueur serbe ayant rejoint les rangs lensois en 2006 en provenance de l’Etoile Rouge de Belgrade.

Le joueur avait exonéré sa prime d’impatriation au titre des années 2006 à 2008 mais l’administration fiscale avait remis en cause cette exonération à la suite d’un ESFP au motif que Nenad Kovačević n’avait pas été envoyé par l’Etoile Rouge de Belgrade jouer en France mais avait été directement recruté par le RC Lens.

En effet, le régime des impatriés était à l’époque codifié à l’article 81 B du CGI et le texte prévoyait alors que les salariés pouvant bénéficier de l’exonération étaient ceux « appelés par une entreprise établie dans un autre Etat à occuper un emploi dans une entreprise établie en France ». En d’autres termes le salarié devait être détaché en France dans le cadre d’une mobilité intragroupe et, donc, conserver un lien juridique avec son ancien employeur.

Ce n’est qu’en 2008 que le régime a été étendu aux salariés recrutés directement à l’étranger hors des cas de mobilité intragroupe mais, la loi n’étant pas d’application rétroactive, Nenad Kovačević n’avait pas pu bénéficier de cet assouplissement dans l’appréciation de sa situation par la cour administrative d’appel de Douai qui n’avait pu, en 2016, que confirmer le jugement rendu par le tribunal administratif de Lille deux années plus tôt et le redressement opéré par l’administration fiscale.

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Parmi les joueurs étrangers ayant perdu leur bataille face à l’administration fiscale, il est également possible de mentionner le brésilien Mariano, arrivé aux Girondins de Bordeaux en 2012 après avoir passé toute sa carrière au Brésil.

Celui-ci n’ayant pas spontanément appliqué le régime des impatriés en souscrivant ses déclarations de revenus avait procédé par voie de réclamation en sollicitant en 2015 le recalcul de ses impositions avec le bénéfice de l’option pour l’exonération de ses salaires à hauteur de 30%.

Sa demande avait néanmoins été rejetée par l’administration fiscale puis par le tribunal et la cour administrative d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 24 novembre 2020 au motif qu’il ne justifiait pas d’une « rémunération de référence » au moins égale à sa rémunération nette de la prime d’impatriation. Mariano n’ayant produit aucune attestation de son employeur allant dans son sens, il ne pouvait guère espérer mieux. 

Cet arrêt est l’occasion de rappeler que le régime des impatriés s’obtient avec le soutien de l’employeur qui doit absolument aider le salarié impatrié à justifier de la « rémunération de référence » permettant l’exonération d’une partie de sa rémunération. L’administration le rappelle d’ailleurs dans sa doctrine en précisant que « Les personnes concernées doivent être en mesure de justifier par tous moyens du respect de la condition liée à la rémunération de référence pour bénéficier de l’exonération. A cet effet, elles pourront produire une attestation de leur employeur. ». A défaut de pouvoir présenter une telle attestation, l’exonération sera dans la plupart des cas remise en cause.

Il faut espérer que les dirigeants lensois aient bien eu ces principes en tête lorsqu’ils ont signé en 2021 le polonais Przemysław Frankowski en provenance des Etats-Unis, lequel semble être un des plus gros salaires du milieu de terrain du RC Lens avec environ 665.000€ nets annuels…

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